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Histoire des Guérin - 05 - Les chansons de geste

 

 

 

 

 

5. LES CHANSONS DE GESTE

 

 

 

 

 

            Tout comme les précédents, les personnages qui suivent sont parfaitement historiques, bien que la vie de certains ait amplement servi de canevas aux chansons de geste du douzième siècle. Conscient de ces débordements d'autrefois, je me suis efforcé de distinguer la réalité de la légende.

 

GUERIN DE MONGLANE

 

            Il était fils de Savary (?-719), évêque d'Auxerre et petit-fils de Guérin (?-715), évêque de Trèves. Le nom de Monglane provient de l'ancienne ville gréco-romaine de Glanum, car petit seigneur sans terre, il s'était taillé un fief en délogeant l'ennemi du château sarrasin de Monglane.

Il est le sujet de plusieurs chansons de geste : Les enfances Garin car il faut bien commencer par le début, puis Girard de Vienne, (ou de Vianne, en Dauphiné) dans laquelle les fils de Guérin capturent Charlemagne dans la forêt de Vianne, Garin de Monglane, Aymeri de Narbonne, qui relate l'octroi à Aimeri de la ville de Narbonne nouvellement conquise sur les Arabes. Charlemagne, découragé par la défaite de Roncevaux, avait proposé de conquérir Narbonne sur les Sarrasins. Seul Aimery avait accepté l'entreprise. Les Francs conquerront Narbonne et Charlemagne lui confiera la ville. Aimery épousera Ermengarde, la fille du roi des Lombards, mais une contre-attaque musulmane retardera le mariage.

            D'autres gestes sont Le couronnement de Louis où Guillaume d'Orange fait couronner l'enfant Louis, fils de Charles, après avoir tué le principal opposant, Le charroi de Nîmes” dans lequel Guillaume reproche son ingratitude au roi. Suivent La chevalerie Vivien et Les Alyscamps. Le cycle se poursuit par le moniage Guillaume lorsque Guillaume d'Orange décide de se retirer du monde. Il s'achève par la. Geste de Monglane

            Ces chansons de geste racontaient les luttes contre les Arabes tout au long du huitième siècle et au début du neuvième. En fait, elles étaient destinées à glorifier en Garin de Monglane, le père de Girard de Vienne, le grand-père d'Aimery de Narbonne et l'arrière-grand-père de Guillaume d'Orange.

 

* * * * *

 

            Garin de Monglane eut quatre fils, Girard (de Vienne), Hermand, Milon et Rénie. Partant du principe qu'il avait expérimenté lui-même en sa jeunesse, il les chassa de chez lui lorsqu'il les jugea capables de se débrouiller dans la vie et de se conquérir à leur tour des fiefs au détriment de l'ennemi arabe.

            Aymeri, fils d'Hermand, avait conquis Narbonne et en digne fils de son père, appliqua les mêmes méthodes à l'égard de sa progéniture. L'aîné en était Guillaume, le futur Guillaume d'Orange dont nous parlerons plus loin. Nous désignerons les autres d'après les terres qu'ils ont conquises. Ce sont Bernard de Brubant, Bovon de Commarcis (ou encore Bueve de Come), Guérin d'Ausonne, Hernaut (ou Ernaud) de Gérone et Guibert d'Andrenas. Seul le dernier, Aïmer ou encore Adhémar, ne crut pas bon de se constituer un fief, ayant fait le vœu de ne pas dormir sous un toit tant que les Sarrasins demeuraient en Gaule. Jugeant plus sagement qu'il avait formulé ce vœu à la légère, il s'efforça ensuite de rattraper le temps perdu, car il s'agit d'Adhémar de Narbonne, cité comme tel en 801.

 

* * * * *

 

            Bien qu'il se nomme Guillaume et non Guérin, Guillaume d'Orange est sans conteste l'un des plus importants Guérinides de la vallée du Rhône et on ne saurait passer sous silence un tel personnage. Guillaume d'Orange, ou Guillaume eu court-nez, ou encore Guillaume Fièrebrace était duc d'Aquitaine, compagnon de Charlemagne, de Roland et de ses propres frères.

            Il fut en son temps l'un des premiers clients carolingiens des cliniques d'esthétique chirurgicale. Un Sarrasin lui ayant malencontreusement coupé le nez d'un coup d'épée, il eut l'idée de conserver le bout détaché et de se le faire remettre en place. Par contre l'opération n'étant pas encore complètement au point, son nouveau nez se trouva plus réduit que l'ancien, d'où son nom de Guillaume au court nez.

            Guillaume avait repoussé les musulmans en 793 et constitué le marche de Gothie. Il s'empara de Lérida et de Barcelone en 803. Après la mort de sa femme, il se retira au monastère d'Aniane dirigé par son ami Bernard du même nom. Il fonda peu après le monastère de Gellone où il mourut le 28 mai 812.

 

* * * * *

 

            La geste de Guérin de Monglane n'en était pas terminée pour autant. Un certain Jean Bonfins en fit paraître une nouvelle version en 1502-1511 aux éditions Trepperel, sous le titre de Histoire du preux et vaillant chevalier Guérin de Monglade, où notre héros s'était vu modifier une consonne de son nom. On ne sait même pas si l'intéressé avait été consulté sur ses droits d'auteur. Cette nouvelle geste dit que Guérin envoya ses trois fils guerroyer au loin et se couvrir de gloire, le premier en France, le second en Aquitaine et le troisième à Pavie.

 

GUERIN COMTE D'AUSONNE

 

            Il était le fils d'Aimery, vicomte de Narbonne et d'Ermengarde de Lombardie. Il avait donc pour frères Guillaume d'Orange et faisait partie des Guérinides de la vallée du Rhône. Guérin et son frère Ernaud profitèrent de la conquête de la Catalogne pour se conquérir des fiefs aux dépens des Arabes.

            Charlemagne avait pris l'offensive et s'était emparé de Gerone, de Vic et d'Urgell en 792. C'est à cette même date que Guérin reçut le comté d'Ausonne et Ernaud celui de Gérone. Ils durent cependant faire face en 793 à une invasion arabe qui dévasta les territoires conquis. Dans le but de consolider la conquête, le prince Louis, roi d'Aquitaine, fit une tournée d'inspection en Catalogne en 795, fortifia Ausonne, ainsi que les châteaux de Cardona et de Casseres. Mais sous la pression arabe, Charlemagne dut envoyer une armée de secours aux nouveaux comtes Guérin et Ernaud en 796, qui pour faire bonne mesure, pillèrent à leur tour les territoires arabes.

 

* * * * *

 

            Certains roitelets arabes se dirigèrent alors vers Charlemagne dans l'intention de se servir de la menace qu'il représentait et se rendre indépendants de l'émir de Cordoue. L'un d'eux, Zeïd s'était emparé de Barcelone et déclaré vassal des Francs. On se retrouvait donc dans les mêmes conditions qu'il y avait vingt ans avant Roncevaux et avaient provoqué l'expédition espagnole.

            Rendu prudent par la précédente expérience, et ayant à peu près résolu le problème saxon, Charlemagne s'empara de Barcelone et la confia au comte Bello de Conflant. Sa situation privilégiée allait en faire la capitale de la Marche d'Espagne.

            La promotion de Bello marque le départ de la fortune de sa famille et du comté de Barcelone. Son petit-fils Winifred le velu eut un petit-fils nommé Winifred ou Borrel II (922-1018). Ce dernier rassemblera les comtés de Gérone, d'Ausone, d'Ampurias, de Ripoll, de Manresa et d'Urgell après en avoir dépossédé les titulaires. C'est de cette manière que les Guérinides perdirent leurs possessions catalanes.

 

GUERIN LE LORRAIN (740 ?-800 ?)

 

            Garin ou Guérin, dit le Loherain était comte de Metz, fils de Mile et petit-fils de Sanson, duc de Bourgogne, tous deux tombés à Roncevaux en 778. Ses trois frères étaient Hugues, duc de Bourgogne, Garnier, comte de Dijon, et Sanson, comte de Mâcon et de Valence. Notre personnage semble avoir vécu entre les années 740 et 800.

            Il est le héros d'une chanson de geste, dite Geste des Lorrains composée de quatre chants d'environ quinze mille vers chacun : Herveïs de Metz, puis Garin le Loherain, puis encore Gerbert de Metz et enfin  Anseïs de Metz. Guérin y est baptisé fils d'Herveïs, père de Gerbert et grand-père d'Anseïs, sans d'ailleurs que la suite des chants en souffre aucunement.

 

            La geste raconte une guerre ayant duré pendant trois générations entre les deux familles des Lorrains et des Bordelais. Guérin est le chef des Lorrains assisté de son frère Begon de Belin. Les Bordelais sont dirigés par Fromont, son frère Guillaume de Monclin et son fils Fromondin.

            L'origine de cette geste remonte en effet aux luttes entre l'Austrasie et l'Aquitaine, lors des campagnes de Charles Martel puis de Pépin le Bref qui ont permis la conquête du pays. Le trouvère du douzième siècle n'a eu qu'à broder sur un abondant tissu historique.

 

* * * * *

 

            La geste d'Herveïs de Metz est celle du père de Guérin, qui aurait été à son tour le fils d'un marchand et d'une noble dame à laquelle il avait conté fleurette d'un peu trop près et l'avait compromise de la manière que l'on devine. Le fils en avait hérité de son goût pour l'import-export et les repas d'affaires. Il visitait les foires du Lendit et de Provins. Par contre, sa mère lui avait transmis celui de la chevalerie, si bien qu'il ira au secours de Charles Martel, attaqué par les Vandales (sic) et un certain Gérard de Roussillon qui, ayant finalement rejoint le parti du roi, tombera à Roncevaux.

            Malgré l'opposition de certains nobles, Hervéïs fera couronner l'enfant Pépin à la mort de Charles Martel en 741. Le même Hervéïs avait acquis Beatrix, une belle esclave, ignorant qu'elle était fille d'Uistasse, roi de Tyr et de Floire, fille du roi de Hongrie. Biatrix, afin de lui révéler son origine noble en lui laissant le soin de la découverte, tissa pour Hervéïs une tapisserie racontant son histoire. Cette subtile et originale attention faite dans le but de se faire épouser n'eut pas la récompense conjugale qu'elle attendait, les hommes étant toujours autant égoïste qu'inconscients. Elle eut comme unique résultat d'attirer l'attention sur Herveïs qui fut armé chevalier à son retour du Saint-Sépulcre et reçut le gouvernement du Brabant.

 

* * * * *

 

            La guerre entre les Lorrains et les Bordelais débute par une histoire de femmes, la capiteuse Blancheflor, fille du roi Thierry de Moriane que Guérin et Fromond se disputaient. Le roi, sans doute un peu distrait avait attribué la province et la femme en dépit de la promesse qu'il avait faite auparavant à Fromond de lui accorder la prochaine province vacante. Le roi, somme toute beaucoup trop négligent, ayant laissé s'envenimer les relations, seules les armes étaient en mesure de résoudre le différend. Les deux familles se battirent à Cambrai, à Verdun, en Artois comme en Bourgogne. Rien n'empêchant les intermèdes comiques, Begon dut par exemple venir secourir Guérin à l'aide de marmitons armés de broches, avant que le même Begon ne soit abattu par des forestiers.

 

            Guérin tomba dans une embuscade dressée par les Bordelais. La lutte se continue dans Gerbert de Metz, fils de Guérin et digne héritier des ses haines. Gerbert captura l'évêque Lancelin, un des meurtriers de son père et le fit mutiler sauvagement. Mais les Bordelais, vaincus au cours d'une mêlée, détruisirent le château de Gerbert et de ses cousins Hernaud et Gérin, mais ne purent s'emparer du port de Garinville qu'ils assiégèrent sans succès.

 

            Ces vengeances en série dignes des fastes les plus sanglants de Chicago auraient pu en rester là quand Ludie, fille de Fromond, épousa Hernaut, cousin de Gerbert et si Fromondin, le fils de Fromond n'avait pas bêtement rallumé la discorde. Vaincu, il se rendit en Espagne où Gerbert, en pèlerinage à saint Jacques de Compostelle ne l'y avait pas rencontré ni profité de l'occasion pour le supprimer du monde des vivants. Il fallait s'attendre à ce que les fils de Fromond assassinent Gerbert avant d'être à leur tour capturés et pendus par Hernaut, neveu de Guérin. Les luttes ne cesseront que faute de combattants.

 

* * * * *

 

            La rédaction qui nous est parvenue de ces luttes, due à la plume de Jean de Flagny, date de la fin du douzième siècle. Elle est fort loin de la délicatesse des œuvres qui suivront. Guérin ouvre par exemple le corps de Guillaume de Blancaflor : il en tire le cœur, le poumon et le foie. Hernaut, son compagnon s’empare du cœur qu’il coupe en quatre morceaux et tous deux parsèment le chemin de ces lambeaux de chair palpitante.... Dans Gilbert de Metz, on confectionne même une coupe avec le crâne d'un ennemi abattu. Nos actuels anciens combattants ont des souvenirs de guerre moins compromettants.

            Le ton du récit était de la même veine que les mœurs des temps, ou du moins tel que les premiers auteurs se les représentaient. Il reflète la réalité des massacres pratiqués au cours d'un huitième siècle peu porté sur la sensibilité si bien que de toutes les chansons de geste, celle de Guérin le Loherain est non seulement la plus concise, mais aussi la plus sanguinaire. Précisons en outre qu'elle révèle chez son auteur une bonne connaissance géographique de la France et que beaucoup l'ont béni pour les détails précis ou savoureux qu'ils y ont trouvés.

            On y remarque combien leurs vassaux faisaient peu de cas des rois de l'époque. L'Austrasien Guérin, même comptant parmi les plus fidèles et les plus modérés à l'égard du roi, car tout est relatif, ne se gêne pas pour lui faire dire : dites au roi qu’il n’a qu’à se mettre en garde, nous pourrions troubler ses veilles et lui causer bien des ennuis. Telle était la première version.

 

* * * * *

 

            La seconde version, rescriptée quelques générations plus tard par des auteurs nouvelle vague, abandonnera le caractère sanglant de la première pour en faire quelque chose comme un conte de fées. Un cycle de légendes allemandes la reprit sous le titre de Loherangrin ou Lohengrin, toujours Guérin le Loherain. On la retrouve aussi rattachée aux romans courtois d'origine française sur la quête du Graal inaugurée par Chrétien de Troyes à la fin du douzième siècle. Wolfram von Eschenbach développa le thème dans Parzifal. Lohengrin, fils de Parzifal représentait le beau chevalier ténébreux de l'époque. Il affectionnait un moyen de locomotion bien à lui, car il ne se déplaçait que dans une nacelle tirée par un cygne. Autre caprice, il ne voulait jamais révéler ses origines. Nous ne connaissons pas les raisons de son extrême discrétion bien que d'éminents psychiatres se soient penchés en vain sur les caprices de son comportement.

            Par contre, sa générosité naturelle le poussait à délivrer de belles captives et, si l'on en juge par les récits de l'époque, il pouvait hésiter entre tant de belles et gentes demoiselles séquestrées par des dragons à la gueule menaçante. Il libéra la princesse de Brabant de ses vassaux révoltés. Reconnaissante, celle ci estima qu'elle n'avait plus qu'à l'épouser, même si les noces furent décidées bien à la légère. Mais lorsqu'elle voulut savoir qui était son époux, celui ci, dans doute vexé d'une question aussi indiscrète, appela son cygne personnel et disparut à jamais.

 

* * * * *

 

            La troisième version se démarquera davantage des deux autres. Richard Wagner en fera un chef d’œuvre joué en 1850 à Weimar. Il y reflétait les sentiments de l'âme allemande qui glorifiaient leurs mythes d'autrefois et aspirait à l'unité du pays. Wagner y marquait aussi la distance qu'il prenait à l'égard de la musique traditionnelle.

            On est très loin de l'épopée du départ. Guérin de Lorrain, qu'il faut bien appeler maintenant Lohengrin, ne s'y et pas du tout reconnu. Lui qui étripait si allègrement son prochain sans hésitations ni remords, il se retrouvait dans la peau d'un personnage qu'il n'aurait jamais imaginé et exprimait des sentiments tous nouveaux pour lui sur des airs d'opéra.

 

BIBLIOGRAPHIE: F.Lot : “L’élément historique de Guérin le Lorrain” 1896.

 

GUERIN COMTE DE BEAUCAIRE

Aucassin et Nicolette

 

            Nous sommes en pleine littérature avec la chantefable d'Aucassin et Nicolette, même si le comte Guérin s'y trouve impliqué. Ce comte de Beaucaire est probablement un des Guérinides de la vallée du Rhône qui luttèrent contre les Arabes sous Pépin le Bref et se taillèrent des seigneuries en Septimanie et en Gothie. Il aurait donc vécu au huitième siècle, mais n'est pas désigné autre part.

            Ecrite au début du treizième siècle, cette histoire est l’œuvre d'un anonyme probablement originaire de Thuin en Hainaut et il est fort vraisemblable qu'elle ait été tirée d'un canevas parfaitement historique. Mais du seul point de vue littéraire c'est à la fois la première et l'une des plus célèbres chantefables. Elle combine la prose avec la poésie chantée et les transitions sont indiquées par : or se cante ou encore or content or fabloient. Mais plongeons-nous dans l'intrigue :

 

            Le comte Guérin avait deux problèmes à résoudre. D'un coté, il devait se défendre contre le comte Bourgar de Valence, son ennemi héréditaire. Mais il avait également un fils du nom d'Aucassin, un damoiseau élégant, bon chic, bon genre et chevalier accompli. Ses parents cherchaient pour lui une gente fille de seigneur de haut parage afin d'arrondir encore les terres du lignage. Aucassin, peu intéressé par l'hymen, refusait l'une après l'autre les fiancées de papa et lui causait des frictions avec les parents de ses soupirantes.

            Pourquoi fallut-il qu'Aucassin rencontre Nicolette, une ancienne esclave sarrasine que son vassal avait achetée au marché de Beaucaire, l'avait faite baptiser et élever comme sa propre fille. Papa Guérin se sentit vexé comme un pou, mais que voulez-vous, les amoureux sont toujours aussi déraisonnables et admettent rarement ce que l'on fait pour leur bien.

 

* * * * *

 

            Partisan des solutions expéditives, le comte Guérin voulut faire disparaître Nicolette et la fit enfermer tout d'abord dans un donjon voisin. Privé de celle qu'il aimait, Aucassin fit la grève de la chevalerie, refusa de lutter contre Valence et ne consentit à reprendre les armes que contre la promesse qu'il reverrait Nicolette, ne serait-ce qu'une seule fois. Son père n'ayant pas respecté sa parole, Aucassin rendit sa liberté au comte Bourgar qu'il venait de capturer, lui demandant en échange de faire tout le mal qu'il pourrait au comte Guérin, son père.

            Pendant ce temps, Nicolette avait heureusement pu s'échapper et distancer les sbires que Guérin avait lancés à sa poursuite pour la tuer. Elle s'était réfugiée dans une forêt profonde, pleine de souris et d'araignées, espérant un miracle. Aucassin ne tarda pas à l'y retrouver.

            Leurs aventures ne faisaient que commencer. Pris dans une tempête, ils arrivent en pleine guerre au pays de Turelure où les belligérants se battaient à coups de pommes blettes et de fromages blancs. Une nouvelle arme secrète_ devait ramener la paix jusqu'au raid de pillage des Arabes d'Espagne qui capturèrent nos héros pour les vendre comme esclaves. Pendant le trajet, une tempête dispersa les bateaux. Nicolette arriva à Carthagène et découvrit qu'elle était en fait la fille de l'émir. Passons sur le fait que l'émir voulait la remettre dans son ancienne condition de princesse arabe et la marier à un roitelet voisin. Nicolette, fervente chrétienne que davantage encore fervente amoureuse ne pensait qu'à Aucassin dont elle était sans nouvelles.

 

* * * * *

 

            Pendant ce temps, le navire d'Aucassin coulait en vue des cotes de Provence. Sauvé par des pécheurs de moules, il était maintenant comte de Beaucaire, après que le père et le fils se soient jeté leurs quatre vérités à la figure. Mais à quoi bon ces richesses et ces honneurs s'il n'avait pas Nicolette pour les partager avec lui.

            Il ne pouvait pas savoir qu'elle s'était enfuie d'Espagne et se trouvait précisément à Beaucaire sous le déguisement d'une danseuse de castagnettes. Fine mouche, elle lui tira les vers du nez pour être bien certaine de ses sentiments. Rassurée de ce côté là, elle pouvait quitter ses oripeaux de saltimbanque, enlever son maquillage, et mettre ses vêtements de fête pour tomber dans les bras de celui qui l'aimait toujours. La suite est facile à deviner. On les maria en grande pompe après que la famille aura résolu tous ses problèmes et se soit réconciliée.

 

            Sous couvert de la badinerie, l'auteur du douzième siècle exposait ses idées contestataires sur les gens d'église, qui ne pratiquaient pas souvent leurs propres enseignements. Il laissait pointer ses conceptions avancées sur la libération de la femme que beaucoup freinent encore de nos jours et, comble d'impudence, osait donner la parole aux manants. Un paysan expose combien ses propres problèmes de vaches et de récoltes, les impôts qu'il doit verser au comte, sont pour lui bien plus importants que les états d'âme de son jeune seigneur.

            Sous une apparence badine et innocente, c'est en réalité une œuvre contestataire avant la lettre, quelque chose d'un peu anachronique qui aurait pu être rédigé beaucoup plus près de nous. Les personnages ont en fait servi à illustrer les idées avancées de leur auteur.

 

 

 

 

 

FIN DE CHAPITRE

 

 

 

 

 

 

 


Date de création : 03/07/2007 @ 16:33
Dernière modification : 19/02/2013 @ 14:07
Catégorie : Histoire des Guérin
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