(rédaction 23.7.92)
8. LES ONZIEME ET DOUZIEME SIECLES
GUERIN EVEQUE DE BEAUVAIS
Cité en 1022 et 1023, il était évêque de Beauvais lorsqu'il eut à combattre une hérésie. Elle s'était développée à Orléans sous la prédication d'Etienne, confesseur de la reine Constance, de Lisoius et Heribert, directeurs de l'école de Saint-Pierre le Puellier. Ils affirmaient que le baptême n'effaçait pas les péchés, que Jésus n'était pas né de la Vierge et qu'il n'avait pas non plus souffert sur la croix. Il n'avait pas été enseveli et n'avait donc jamais ressuscité. Par conséquent, ni le pain ni le vin ne pouvaient devenir le corps et le sang du Seigneur. On comprend que l'Eglise romaine ait eu à cœur de combattre ces affirmations capables de saper son emprise et son autorité sur les fidèles. L'église traqua et arrêta ces hérésiarques qui ne prenaient pas même la peine de se cacher, mais prêchaient ouvertement leurs doctrines. Robert le Pieux convoqua une assemblée d'évêques et de barons qui se réunit dans la cathédrale d'Orléans. Les prévenus ne nièrent pas leurs opinions, mais bien au contraire les clamaient bien haut :
“oui, c’est ce que nous croyons et nous le soutiendrons jusqu’à la mort. Nous ne croyons que ce que Dieu, le maître du monde, nous a révélé. Cessez donc vos objurgations inutiles et faites de nous ce que vous voudrez”
Comme ils persistaient, les hérétiques furent brûlés vifs en présence de Robert II et de l'acariâtre reine Constance de Provence. Cette dernière, qui les attendait à l'entrée, avait crevé d'un coup de canne l’œil de son ancien confesseur.
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L'année suivante, l'évêque Guérin fut appelé à faire respecter la Trêve de Dieu. C'était une idée généreuse, mais sa réalisation se heurtait à l'indépendance chatouilleuse des petits seigneurs qui ne se gênaient ni pour entreprendre leurs guerres intestines, ni pour piller les campagnes et en massacrer les paysans. Sous la menace de l'excommunication, l'Eglise était bien parvenue à quelques résultats. C'est pourquoi, comme le faisaient les autres évêques, notre personnage rédigea le pacte de paix qui suit :
“Je n’envahirai jamais les églises ni les celliers des églises, sinon pour y saisir le malfaiteur qui aura violé la paix ou commis un homicide. Je n’assaillirai pas le clerc ou le moine qui ne portent pas les armes du siècle, ni celui qui chemine sans la lance ni le bouclier, à moins que je n'aie de raison de me plaindre d'eux et qu'ils ne veuillent pas réparer sous quinzaine la faute commise contre moi. Je n'enlèverai ni bœuf, ni vache ni aucune bête de somme, je ne saisirai ni le paysan, ni la paysanne ni les marchands. Je ne saisirai pas leurs deniers et ne les obligerai pas à se racheter.... Depuis les calendes de mars jusqu'à la Toussaint, je ne saisirai ni cheval, ni jument ni poulain dans les pâturages. Je ne détruirai ni n'incendierai les maisons. Je ne déracinerai ni ne vendangerai les vignes sous prétexte de guerre. Je ne détruirai pas les moulins et ne prendrai pas la farine qui s'y trouve, à moins qu'ils ne soient situés sur mes terres et que je sois à l'ost. ”
Cela ne suffisait certainement pas à tempérer les mauvaises habitudes des seigneurs pillards sinon de tels pactes n'auraient pas eu besoin d'être aussi souvent renouvelés. Mais leur répétition constante finira par user la patience des seigneurs et à leur donner mauvaise conscience. Forte de son autorité spirituelle, l'Eglise utilisera de plus en plus l'excommunication pour punir les cas les plus graves. Quatre ans après ce document, le Concile d'Elne, réuni en 1027, interdisait la guerre privée du samedi soir au lundi matin, inaugurant ainsi le premier repos du week-end. Mais la noblesse considérait ces restrictions comme une atteinte à ses privilèges . Malgré leur résistance, le concile de Nice, rassemblé en 1041, étendit la trêve du mercredi soir au lundi matin et les conciles suivants renforcèrent encore ces interdictions avec l'appui de la papauté. Les violations entraînaient alors l'excommunication du coupable.
BIBLIOGRAPHIE: Suzanne Comte : “La vie au moyen-âge” p.140 - G.Walter : “Histoire des paysans de France”
GUERIN COMTE DE BELLEME ?-1033
Il appartient à la célèbre maison de Bellème qui se nommera plus tard de Bellème Montgomery. L'ancêtre en était Yves de Creil (942-997), comte de Bellème et seigneur d'Alençon et de Domfront. Celui ci eut deux fils, Guillaume Ier Talvas, comte (997-1028) de Bellème et seigneur d'Alençon et de Domfront ainsi que Yves II, qui règnera beaucoup plus tard (1049-1070) sur Bellème et Alençon. Ce dernier est l'ancêtre des ducs de Pembroke (Guillaume le Maréchal) et du maréchal Montgomery. Guérin régnera sur Domfront seul (1028-1033). Nous savons fort peu de choses sur lui, sinon que sa fille Adèle épousera Rotrou, comte de Mortagne et donnera naissance à la lignée des comtes du Perche.
BIBLIOGRAPHIE: vicomte de Romanet : .“Géographie du Perche et chronologie de ses comtes” Mortagne 1890-1902 -
CONON GUERIN DE MONTAIGU Cité 1097
Conon est le premier représentant recensé de l'illustre famille de Montaigu, originaire d'Auvergne. Le château familial se trouve soit à Montaigu en Combrailles (Puy de Dôme), soit à Montaigu le Blanc (Puy de Dôme) où dans les deux cas, existe une motte féodale. La première mention qui le concerne indique qu'il avait pris la croix sous les ordres de Godefroy de Bouillon . La seconde nous apprend qu'il fut l'un des premiers à pénétrer dans Jérusalem le 14 juillet 1197, après avoir forcé la porte Saint-Etienne à coups de hache. La même relation parle également d'un Lambert de Montaigu, mais pas autrement désigné. La dernière mention nous apprend que Conon, “originaire de la province d’Auvergne”, répondit à l'appel de Gérard Tenque . Il s'engagea dans le système hospitalier existant à Jérusalem depuis une cinquantaine d'années, mais devait rapidement se transformer en un ordre de chevalerie, celui des Hospitaliers .
BIBLIOGRAPHIE: Michaud: “Histoire des Croisades”1849 T.1 p.85, 235, 490 & 514.
TROIS AUTRES CROISES
La liste précédente nomme également Honfroi ou Onfroy de Montaigu. Il est probable qu'il s'agit du même personnage qu'Onfroy de Monte Scaglioso, près de Matera. Il s'embarqua sous les ordres de Bohémond qui dirigeait une troupe de dix mille chevaliers et vingt mille fantassins. Il débarqua à Valona dans l'actuelle Albanie, campait à Kastoria le 25 décembre 1095 et arrivait devant Constantinople. Il combattit à Dorylée et emporta Antioche d'assaut en 1098, où Bohémond devait se tailler une à la hauteur des ses ambitions. Cette même liste cite un autre Guérin qui fut écuyer de Tancrède d'Hauteville, neveu de Bohémond. Il avait suivi son maître à travers la Thrace, à Jérusalem, puis dans sa nouvelle seigneurie de Galilée (1099-1112) Elle révèle aussi l'existence d'un Guérin de Pierremore parmi les participants à la première croisade. Il portait “d’azur à trois rois d’échiquier d’argent” (chronique de Robert le moine) Parti sous la bannière du comte de Toulouse, il trouva la mort au siège d’Archas.
BIBLIOGRAPHIE: Michaud : “Histoire des croisades” 1845 T.1 p. 93 & 514.
GUERIN MALMUZ Maréchal d'Antioche
Il est désigné aussi sous le nom de Guérin Malimut, maréchal de la princée d'Antioche sous Raimon de Poitiers , l'un des plus beaux hommes de la Terre Sainte. Notre personnage signe comme tel deux documents, le premier le 19 avril 1140, le second en mars 1160. Le premier aurait trait au concile latin de Jérusalem qui se réunit le jour de Pâques 7 avril 1140. Foulques, roi de Jérusalem et tous les barons de Palestine s'y étaient rendus en rivalisant de magnificence. Ils y avaient accueilli le catholicon arménien Grégoire III Bahlavouni. L'église de Terre Sainte était alors dans une époque de tolérance religieuse. Elle désirait souffler un peu après les luttes territoriales qu'elle avait menées contre les mêmes Arméniens. Guérin Malmuz fut l'un ce ceux qui, à Port Saint-Siméon en 1148, accueillirent la seconde croisade dirigée par Louis VII. Le roi Raimon avec tous ses barons, dont son maréchal Guérin Malmuz, la conduisirent en grande pompe à Antioche. La croisade était bien encombrée, mais aussi égayée par la reine Aliénor d'Aquitaine et d'autres gentes dames qui n'avaient certainement pas l'intention de s'ennuyer. Aliénor s'ennuya d'autant moins qu'elle était la nièce de son jeune oncle Raimon, au physique de jeune premier, ennemi de l'austérité, ce qui le distinguait nettement du caractère réservé et sérieux du roi Louis qu'elle traitait de moine couronné. Les mauvaises langues répandirent le bruit que la jeune reine et le bel oncle ne furent pas insensibles à leurs séductions réciproques. On ne sait jusqu'où ils sont allés dans leurs épanchements et les historiens discutent encore gravement de ce sujet si grave. Contentons-nous de dire que le roi avait mis sa femme en présence du loup et fait une première erreur. Il en fit une seconde en attaquant l'état voisin musulman d'Alep qui était toujours resté en bonnes relations avec la Syrie franque. De telles erreurs ne pardonnent pas.
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Le second document de mars 1160 traite de la politique avec l'empereur Byzantin Manuel Comnène . Une suite continue de négociations et de démonstrations militaires auraient normalement du déboucher sur une expédition commune qui aurait brisé la puissance des Turcs seldjouquides de Konia. Le général byzantin Kontostephanos s'était rendu en Syrie franque pour rassembler les contingents francs et arméniens, contraignant le sultan de Konia à demander la paix. Elle ne durera pas plus que les précédentes. Je n'ai trouvé aucune autre mention sur notre personnage.
BIBLIOGRAPHIE: Du Cange-Rey : “Les familles d’outremer” - Rey : “Les dignitaires de la principauté d’Antioche” dans "Revue de l'Orient latin" 1900-1901 - René Grousset : “Histoire des croisades” 1935 -
GUERIN DES ESSARTS 1075-1137
Cet abbé est cité par Orderic Vital , l'un des rares chroniqueurs de son époque. Il est né en 1075 au bourg des Essarts près de Damville (Eure) dans le diocèse de Lisieux. Il entra dans les ordres et fut élu abbé de Saint-Evroult (Orne) en 1123. Il assista au concile de Rouen en 1128 en présence du roi Henri I d'Angleterre. Les évêques s'y étaient élevés contre l'autorité des abbés séculiers. Guérin défendit leurs privilèges et fit triompher ses opinions. Il mourut à Saint-Evroult le 20 juin 1137. Il est l'auteur d'une théologie rédigée en partant des textes des Ecritures et de la tradition. Ses œuvres sont conservées à la bibliothèque de Saint-Evroult.
GUERIN ABBE DE THALUS
Il est cité une première fois en 1169 comme abbé de Thalus en Terre Sainte après en avoir été prieur. Il est encore nommé comme tel en 1174, après quoi on ignore ce qu'il est devenu. Par une bulle du pape Alexandre IV datée du 1 avril 1255, l'abbaye de Thalus sera donnée à l'ordre de l'Hôpital (le futur ordre de Malte)
BIBLIOGRAPHIE: Ducange-Rey : “Les familles d’outremer”
GUERIN DE TURGNOLANT
Du Cange (Les familles d'outremer) le cite en 1135 comme vicomte de Saint-Jean d'Acre en Terre Sainte. Je n’ai rien trouvé d’autre le concernant.
ROBERT GUERIN DE THORIGNY 1106-1186 Abbé du Mont Saint-Michel
Il est né à Thorigny, près de Vire au tout début du douzième siècle et en 1128, entra comme moine à l'abbaye de Bec Hellouin dont il fut ensuite nommé prieur. C'est là qu'il reçut une première fois le futur Henri II , alors fort contesté comme prince héritier. En sus de la réception fastueuse et des plus courtoises qu'il eut l'habileté de lui rendre, Robert eut la délicatesse de commencer son Histoire d’Henri Ier, le grand-père de son hôte. Connaissant le caractère soupçonneux du futur roi, l'attention était à la fois délicate et intelligente. Un vote unanime des moines le 27 mai 1154 le porta sur la chaire d'abbé du Mont-Saint-Michel. Robert, intellectuel autant qu'homme d'action fit alors le tour de ses domaines et se fit reconnaître des rois comme des évêques. 0n peut mesurer la renommée de Robert de Thorigny aux personnages qui lui rendirent visite. Il accueillit Henri II d'Angleterre et Louis VII de France. Les deux rois étaient pour une fois en bonne intelligence. Henri II en avait profité pour prendre Thouars et s'était fait reconnaître le droit d'intervenir en Bretagne. Louis VII, toujours heureux de leur bonne entente, avait proposé un pèlerinage au Mont Saint-Michel, dans les états du Plantagenêt. Ils s'y retrouvèrent au milieu d'une foule innombrable de seigneurs et de prélats dont deux futurs papes. Henri d'Angleterre, qui faisant montre de tact envers son prédécesseur conjugal, était venu sans Aliénor d'Aquitaine. Côte à côte, le dimanche 23 novembre 1158, comme des amis de toujours, les deux rois gravirent les degrés allant vers l'abbatiale et entendirent la messe dite par Robert de Thorigny. Tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Robert profita de ses excellentes relations avec Henri II pour se faire confirmer en 1175 toutes les donations faites à l'abbaye depuis vingt ans et à propos desquelles bien des contestations étaient survenues. La renommée du Mont date de son époque. Dans le même temps, le nombre des moines avait doublé. Ses 32 ans d'abbatiat furent marqués par une intense vague de constructions. Il fit rénover la chasse de Saint-Aubert , bâtir l'Hôtel Dieu et l'infirmerie, élever les deux tours reliées par un porche qui se trouvent en avant de la façade romane. En 1163, le pape Alexandre III le fit venir au concile de Tours afin qu'il puisse mettre fin au schisme causé par l'antipape Octavien de Monticelli, qui avait usurpé la tiare sous le nom de Victor IV. Le concile, tiré à hue et à dia par les deux rois, se séparera sans avoir rien décidé. Avec Achard, évêque d'Avranches, il tiendra sur les fonds baptismaux Aliénor d'Angleterre, fille du roi Henri II. Il mourut le 23 juin 1186. Son tombeau a été découvert sur l'emplacement du porche au pied des deux tours qu'il avait faites construire. Il contenait sa crosse en bois à la simple volute en plomb et un disque du même métal portant l'inscription : “Hic requiescit Robertus de Torigneio abbas hujus loci” Il laissait cent quarante volumes de ses œuvres. La plus grande partie en fut malheureusement détruite lors de la chute d'une tour où elles avaient été déposées. Les seules qui nous soient parvenues sont “Gesta Henrici I regis Anglorum” (Geste d'Henri I, roi d'Angleterre), “Roberti de Monte Chronicon sive appendix ad Sigibertum” (chronique de Robert du Mont .... appendice à Sigebert), “Epistola Roberti monnachi Beccensis ad Gervasium priorem Sancti Serenici” (lettres de Robert, moine du Bec à Gervais, prieur de Saint-Sernin), “Historia monasteri Sancti Michaelis de Monte” (Histoire du monastère Saint Michel du Mont).
GUERIN DE SAINT-VICTOR ?-1194
On ne sait rien de ses origines, ni sur sa jeunesse. Il aurait débuté dans la vie ecclésiastique comme chanoine à Saint-Quentin. On sait par contre qu'il fut abbé de Sainte-Geneviève à Paris en 1172 et que Louis VII l'éleva au rang de maître de chapelle, puis en fit son aumônier et son confident. Cette abbaye de Saint-Victor se trouvait alors en dehors des murailles de Paris, sur l'emplacement de l'actuelle faculté des sciences de Jussieu. L'école Saint-Victor avait été fondée par Guillaume de Champeaux , théologien et philosophe qui s'était demis de sa charge d'archidiacre pour se retirer en 1100 dans un ermitage. Il fut l'élève de Roscelin et eut pour élève le célèbre Abélard. L'abbé Guérin jouissait d'une grande considération, car Philippe-Auguste, partant à la croisade en 1190, le désigna comme son exécuteur testamentaire. De lui nous sont parvenus plusieurs manuscrits. Il est mort à Saint-Victor le 19 octobre 1194. Il est fort probable qu'il était apparenté avec son homonyme Guérin, futur chancelier de Philippe-Auguste. Il l'avait introduit auprès du jeune roi qui en fit son confident. BIBLIOGRAPHIE: Gaston Guérin : “GUERIN, Chancelier de Philippe-Auguste” Autoédition 1990 -“Histoire littéraire de la France” T.XV p.50 -“Dictionnaire des biographies françaises” 1982 T.XV - Oudin: “de scripta ecclesia” T.II 1566 -
FIN DE CHAPITRE
Date de création : 03/07/2007 @ 16:43
Dernière modification : 19/02/2013 @ 14:07
Catégorie : Histoire des Guérin
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