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Histoire des Guérin - 09 - Saint Guérin, évêque de Sion

rédaction )





9. SAINT GUÉRIN ÉVÊQUE DE SION
1060 - 1150





Le futur Saint-Guérin était fils unique du seigneur de Mousson en Lorraine où il serait né entre 1060 et 1062. La chronique unanime loue les auteurs de ses jours : Padre clarus, matre beatus qui contrarièrent d'autant moins sa vocation religieuse qu'ils menaient eux-mêmes une vie des plus exemplaires. Comme ses contemporains beaucoup moins couvés que les nôtres, il avait dès l’âge de douze ans la maturité d'un homme accompli.
Le texte suivant le décida à mettre sa violente vocation en pratique : Celui qui aime son père et sa mère plus que moi n'est pas digne de moi . Ses parents quand même effrayés pas son jeune âge, consentirent malgré tout à retirer leur opposition à ce projet qu'ils jugeaient bien précoce. On les comprend aisément. Mais l'époque avait entrepris un profond renouveau de l'esprit chrétien et beaucoup de jeunes gens d'alors aspiraient autant aux béatitudes célestes que les nôtres pensent aux jouissances de ce monde.
C'est pourquoi à seulement quinze ans, en l'an 1077, notre ami entra comme novice à l'abbaye bénédictine de Mollesse dans le diocèse de Dijon. Cette abbaye, fondée tout récemment en 1075 était alors dirigée par le futur Saint-Robert . Le silence y était de règle et on y mangeait assez peu, sans aucun souci de la gastronomie. Les moines y jeûnaient neuf mois par an, ainsi que chaque mercredi et chaque vendredi des autres mois. Ils avaient bien entendu fait voue de pauvreté, de chasteté et d'obéissance comme le voulait la règle de Saint-Benoît. Mais cette règle semble avoir été suivie de manière excessive si l'on en juge par le fait que l'évêque de Langres, venu leur rendre visite, et ému de leur état physique, leur fit mander plusieurs chariots de vêtements et de vivres. Molesme était à cette époque l'une des plus célèbres abbayes de la Chrétienté en ces onzième et douzième siècles qui connurent également Bernard de Clairvaux, Saint-Bruno , fondateur des Chartreux et Saint-Norbert , qui constitua les Prémontrés. Trois grands seigneurs l'avaient fondée, Robert, Albéric et Etienne .Tous trois seront béatifiés. Molesme donnera naissance à l'abbaye d'Aulps et à l'Ordre de Cîteaux car L'arbre se juge par ses fruits .

C'est alors que Guérin, vers l'an 1090, fut chargé avec son compagnon Guy (ou Guidon) de rechercher un autre site pour y fonder une filiale de Molesme. Ils le trouvèrent le long de la Dranse, sur des terres allodiales du duc de Savoie, dans un endroit nommé Arpes, Aulps ou Alpes en raison de ses pâturages . C'est aujourd'hui la commune de Saint-Jean d'Aulps en Haute-Savoie. Le compte Humbert II de Savoie donna son agrément à cette fondation et lui fit don des terres qu'elle allait occuper.
Ils s'y bâtirent des cabanes sommaires faites de boue et de branchages dans lesquelles ils couchaient sur des paillasses inconfortables, souvent à même le sol. De telles cabanes feraient de nos jours l'objet d'une enquête sociale et on se hâterait d'en reloger les occupants dans des centres d'accueil, même malgré eux. Notre siècle amoureux du confort est bien entendu incapable de comprendre une telle attitude. Mais c'est précisément ce renoncement aux biens de ce monde et leur intense vie religieuse qui attirèrent d'autres moines envoyés de Molesme par Saint-Robert. Les ermites étaient maintenant en nombre suffisant, car la règle exigeait la présence de treize moines pour constituer une abbaye. L'aîné était Guy. On le désigna comme premier abbé de la nouvelle communauté alors que Guérin en était nommé prieur. Fille de Molesme et détachée par elle, la nouvelle abbaye d'Aulps s'était placée tout naturellement sous la direction de Robert de Molesme.
Quand Guy et Guérin s'y installèrent, la vallée de la Dranse n'était habitée que du Biot à la Baume. L'endroit était des plus isolés et y parvenir représentait une véritable expédition. Pour venir de Faucigny, il fallait franchir le col des Gets. Du coté du Valais, c'était la montagne du Coux, encore à peu près impraticable de nos jours. Depuis Thonon, il fallait suivre les gorges encaissées de la Dranse. Les nouveaux occupants attirèrent des colons et créèrent les nouvelles paroisses de Montriond, Morzine, La Côte d'Arbroz, Essert-Romand, Saint-Nicolas du Biot et bien entendu Saint-Jean d'Aulps. Guy et Guérin érigèrent un sanctuaire et un abri près des bords du ruisseau sur la pente du mont d'Evian à cent mètres au-dessus des eaux de la Dranse et à 900 mètres du Thex.
C'est là qu'ils commencèrent leur vie de contemplation, de prières, mais aussi de travail, car on sait que l'époque fut un grand moment de défrichements. Tout y était à entreprendre, essarter les forêts, dessécher les marécages, arracher les ronces et transformer tout le paysage en labours et en alpages. Etant de la règle de Saint-Benoît, ils y réalisèrent donc un vrai travail de bénédictin si le lecteur veut bien excuser ce jeu de mots un peu facile.
En 1095 ou 1096, le comte Humbert II leur fit don perpétuel des terrains qu'ils occupaient après avoir obtenu le consentement des seigneurs Girard d'Allinges et Gilon de Revorée qui en étaient les feudataires. Il y ajouta la vallée adjacente du sommet de la colline du Theix jusqu'au lieu dit Le Bordel . Les témoins à cet acte furent Boson II, évêque d'Aoste, Rodolphe de Faucigny et le comte Ulric.

En 1097, le même comte Humbert renouvela le don qu'il avait fait peu auparavant à Guy et Guérin en faveur de l'abbaye de Molesme, confirmant ainsi la suprématie de la maison-mère sur la nouvelle abbaye. Robert, abbé de Molesme arrêta lui même l'ordre des choses avec Albéric, le prieur, Adde, Walter, Hercelin et Etienne son secrétaire. Cette charte officielle de fondation fut enfin confirmée par Robert, évêque de Langres, Guy, archevêque de Genève, les comtes Humbert de Savoie, Girard d'Alinges et Gislon Miles de Revorée.

* * * * *

L'ermitage bénéficia très vite d'une grande renommée. Paysans et montagnards, d'abord entraînés par la curiosité, prirent l'habitude de venir le visiter, s'entretenir avec les moines et même de demander des conseils bien profanes sur les cultures à entreprendre, écrire leur courrier et même arbitrer leurs différends. Beaucoup se joignirent à eux, si bien que l'endroit compris entre le Theix et le Plan, finit par se peupler de cellules où chacun organisait sa petite vie contemplative ou active comme il l'entendait.
La communauté était devenue si nombreuse qu'il fallut s'organiser d'une manière plus formelle. Quand vers 1112 l'abbé Guy mourut et que Guérin fut élu à sa place, il entreprit la construction d'un véritable monastère avec l'aide des paysans et les largesses du comte Amédée III . L'église mesurait 57 mètres de long sur ses trois nefs. Le comte Humbert III la protégea, l'aida dans son développement et y fit autant de retraites que s'il y avait été moine. Il est vrai qu'il n'avait jamais décidé entre le pouvoir et la vie érémitique.
Une croissance en amène une autre. L'abbé Guérin sollicita et obtint du chapitre de Genève pour son abbaye, la juridiction sur la paroisse de Saint-Cergue, dont le mont Grépon et les terres qui en dépendaient. Ce n'était probablement qu'une démarche entreprise dans un moment d'enthousiasme. En effet, pas davantage intéressé pour son abbaye qu'il ne l'était pour lui-même, il abandonna plus tard cette souveraineté contraire à son caractère doux, calme, ennemi des complications qui auraient pu détourner ses moines de la vie qu'ils avaient choisie.
C'est à cette époque que Saint-Bernard de Clervaux écrivit aux moines d'Aulps et au révérend père et seigneur digne de toute vénération, à Guérin, abbé d'Aulps et aux frères du même monastère, le frère Bernard. L'adresse était déjà fort élogieuse, mais il parlait de leur abbé en des termes auxquels on n'est plus habitué dans la correspondance de nos jours : Enfants, suivez votre père, soyez son imitateur comme lui-même l'est du Christ. Je ne parle pas de vous qui jouissez de sa présence, etc... Etre complimenté par un tel personnage n'est pas à la portée de tout le monde.
L'abbé Guérin participa à l'organisation de l'abbaye d'Hautecombe. Construite vers 1121 sous l'inspiration de Bernard de Clairvaux, elle sera la nécropole des comtes, puis des ducs de Savoie. Guérin lui fit don des terres situées au pied de la montagne de Cessens, entre Rumilly et Hautecombe. L'abbé Guérin en établit la règle et gouverna Hautecombe pendant le premier mois de son existence.
En 1124, Guérin fut appelé à Seyssel par le légat Pierre, archevêque de Vienne pour y régler les différends existant entre l'évêque Humbert et Aimon, comte de Genève au sujet de leurs limites de juridiction et de souveraineté. Le pape Calixte III, connaissant son caractère conciliant, l'avait expressément désigné comme le plus capable de régler ces problèmes. Guérin fit si bien que trente ans plus tard, le 22 février 1155, le traité fut à nouveau confirmé et approuvé le 19 mai 1157 par le pape Adrien III. Lors de son séjour à Seyssel et par la même occasion, Guérin transféra les moines de son obédience qui s'y trouvaient à la nouvelle abbaye d'Hautecombe.

* * * * *

Pendant ce temps, l'abbaye de Molesme avait décliné après la mort de Saint-Robert en 1110. Avec les richesses et l'abondance, la discipline s'était quelque peu relâchée ; mais il ne faudrait quand même pas exagérer cette mollesse. Il y avait un peu moins de travail, les vêtements étaient un peu plus soignés et on acceptait plus facilement les dons des fidèles. Il n'y avait pas en cela de quoi estimer que nos saints moines s'étaient laissés aller à la jouissance des biens de ce monde. Mais les partisans de la ligne d'autrefois n'y trouvaient plus leur compte et s'en offusquaient hautement. Malgré son caractère conciliant, l'abbé Guérin chercha malgré tout à se délivrer de l'obédience de la maison-mère qui à ses yeux, ne représentait plus le même modèle.
Il hésita longtemps avant de rompre avec Molesme, ménagea toutes les susceptibilités et en particulier celles de ceux qui avaient concouru à la rédaction du traité de 1097. Sa grande patience eut peu à peu raison des hésitations et des scrupules des intéressés, en particulier du comte Amédée III, des seigneurs d'Allinges et de Revorée ainsi que de l'évêque de Genève.
Une première bulle du pape Pascal II datée de Latran le 2 mars 1102, décréta que les religieux d'Aulps éliraient désormais seuls leur abbé. C'était un premier pas, d'autant plus facilement obtenu que le pape était un ancien Bénédictin. Guérin décida alors de se rendre à Rome pour obtenir l'indépendance tant convoitée. Les conditions étaient favorables. Son ami Guillaume de Bourgogne , son ami de longue date venait d'être élu pape sous le nom de Calixte II. La bulle du 26 avril 1120 consacra la séparation définitive d'avec la maison-mère.
Il faut se méfier des caractères angéliques, ils possèdent parfois une force de décision et une opiniâtreté inattendues. Nous le constaterons plusieurs fois.
Pour marquer son indépendance, l'abbaye d'Aulps abandonna même son ancienne obédience bénédictine. Elle avait le choix. D'un coté était l'ordre de Cluny et ses nombreuses abbayes. Mais Aulps préféra se ranger dans celui de Cîteaux en 1135 ou 1136. La raison en est bien simple. Plus récents, les Cisterciens vivant encore la ferveur des débuts. Saint-Etienne Harding, mort depuis peu, faisait des prodiges et son successeur Saint-Bernard était vénéré dans tout l'Occident. Mais de plus, Cîteaux était aussi fille de Molesme et on se retrouvait en famille.

* * * * *

La mort de Boson, évêque de Sion en Valais allait bouleverser la vie de notre personnage. Le chapitre de la cathédrale fit choix unanime de l'abbé Guérin pour lui succéder, mais sans toutefois avoir demandé l'avis de l'intéressé. C'était méconnaître l'humilité de notre saint homme, mais aussi son coté obstiné. Il refusa catégoriquement cette charge. Il invoqua sa vie retirée, qu'il ressentait le poids des ans et que de toutes manières le fardeau était trop lourd pour l'octogénaire qu'il serait bientôt, etc, etc. Il n'y avait rien à faire. L'abbé Guérin se sentait fort bien à sa place à la tête de son abbaye, mais ne voulait pas entendre parler du siècle ni de ses pompes.
Désolés de ce refus, les chanoines recoururent au comte Amédée III, son souverain et ami, mais aussi à Saint-Bernard de Clervaux. Ils se dirigèrent également vers le pape Innocent II qui venait de se réfugier en France, chassé par l’antipape Anaclet II. Plus expéditif et plus autoritaire, le pape lui intima l'ordre d'accepter cette nomination pour les plus grand bien de ses ouailles. C'était en 1138. Un comte, un saint et un pape n'avaient pas été de trop pour le fléchir. Guérin fut enfin consacré par son métropolitain, Pierre II évêque de Tarentaise, assisté d'Humbert I, évêque d'Aoste.

Un premier problème devait être résolu. Des différents avaient surgi autrefois entre le comte de Savoie Amédée III et son prédécesseur. Leurs fiefs étaient tellement enchevêtrés qu'il était devenu bien difficile de savoir à qui réellement appartenait telle juridiction ou telle souveraineté. Quand l'évêque s'absentait pour ses tournées pastorales, il n'était pas rare qu'il trouve à son retour les agents du comte à la place des siens. Il en était de même pour le comte quand il s'éloignait pour une raison ou pour une autre. C'était une situation courtelinesque qui ne plaisait à personne et mettait beaucoup de problèmes dans leurs administrations respectives. Lorsqu'ils se rencontrèrent à Conflans, les deux parties réalisèrent une sorte de remembrement avant la lettre qui fut arrêté sans difficulté majeure. Le seul point délicat concernait les villages de Loueche et Narres (ou Natters) qui avaient été octroyés autrefois par Gontran , roi des Burgondes, mais avec une regrettable absence de précision. Le comte en fit don à Guérin en signe de joyeux avènement.

* * * * *

Notre nouvel évêque qui aimait la tranquillité par-dessus tout, dut très vite entreprendre d'autres tournées pour calmer les esprits échauffés de certaines de ses brebis. Cela arrive même en Suisse. Sitôt consacré, il se rendit à Salvan et Vernayaz sur le territoire de l'abbaye de Saint-Maurice dont le seigneur d'Allinges s'était emparé. Guérin le contraignit à se soumettre mais le comte Amédée III dut quand même revenir deux ans plus tard pour le rappeler à l'ordre.
Par la force des choses, le nouvel évêque Guérin pouvait disposer des richesses et du confort de sa nouvelle situation. Lui qui comptait maintenant parmi les plus riches, voulut cependant rester parmi les plus pauvres et ne chargea rien à sa manière de vivre. Ayant toujours pratiqué la simplicité, il rechercha le réduit le moins agréable de son palais. Il s'y installa après avoir relogé beaucoup plus confortablement l'ancien occupant dont on devine l'ébahissement compréhensible. Le dernier de ses valets était en règle générale, beaucoup mieux logé, vêtu et nourri que lui-même. Ce n'était pas la moindre des surprises pour le visiteur.

* * * * *

Pendant les douze années de son épiscopat, il n'eut plus aucun trouble à déplorer dans son diocèse. Partisan des méthodes pacifiques, il n'aimait ni la précipitation ni l'agitation contraires à sa manière de vivre. Ses contemporains disaient qu'il se déplaçait en silence avec une sage lenteur, qu'il avait horreur du bruit et du tumulte et vous tombait dessus à l'improviste sans qu'on ait pu remarquer son arrivée discrète. La violence perdait ses moyens en sa présence. Elle ne faisait plus le poids devant celui qui se dérobait devant les actions d'éclat pour vous entraîner dans le domaine de l'humilité et du pardon des offenses. Même les plus excités se trouvaient entraînés par son exemple et finissaient par adopter des manières plus détendues. Comment voulez vous discuter avec un saint qui vous parle sans cesse de calme et de charité évangélique?
Il visita quelques jours l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune (Valais), un lieu illustré par le martyre des six mille soldats de la légion thébaine. L'histoire dit qu'entre 285 et 290, le futur Saint-Maurice, à la tête de son armée, combattit les Bagaudes à Agaune, mais refusa de s'associer à un sacrifice aux dieux. L'empereur Maximin (250-310) les aurait alors fait massacrer. L'abbaye sera élevée plus tard à l'emplacement de leur martyre.
Guérin se lança dans les voyages alors qu'il avait 78 ans, ce par quoi on constate qu'il y a un commencement à tout. Il entreprit de visiter consciencieusement les parties les plus reculées de son diocèse. On le vit à Conflans à l'entrée de la Tarentaise, puis au monastère de Tamiers, fondé peu auparavant par Pierre, archevêque de Tarentaise.
Il restait encore un coin aussi isolé du monde que de la Chrétienté. Il introduisit le christianisme dans la vallée isolée d'Anniviers, restée païenne. Elle se trouve sur la rive gauche du Rhône et s'étage entre 1000 et 2000 mètres d'altitude. Encore de nos jours, chaque village est doublé d'un second habitat temporaire pour les migrations estivales. On disait que ses habitants étaient les survivants de l'armée d'Attila, mais il est probable que les intéressés n'en savaient rien. Toujours est-il que le baptême les fit rejoindre la communauté féodale et chrétienne qu'ils avaient jusqu'alors superbement ignorée. On leur attribua des seigneurs et ils découvrirent les beautés nouvelles pour eux de l'administration et du fisc, deux entités envahissantes qui n'abandonnent jamais ce qu'elles ont conquis. Je laisse le lecteur juger de ce qu'ils avaient gagné à se convertir.

C'est alors que Bernard de Pise, ami de notre personnage fut élu pape (1145-1153) sous le nom d'Eugène III. Il avait été religieux à Clairvaux sous Saint-Bernard qui l'avait ensuite envoyé en Italie, sa patrie d'origine. Il se trouvait alors en France, car à peine élu, il dut fuir la rébellion des Romains dirigés par Arnaud de Brescia . Ce contestataire avant la lettre osait combattre la corruption du clergé, et avec l'aide de la noblesse et du peuple, voulait rétablir la liberté civile des temps romains.
L'évêque Guérin fit charitablement faire le tour du propriétaire à son hôte pour qu'il oublie ses déboires. Ils visitèrent ensemble le diocèse et en particulier Agaune, où le pape consacra lui-même l'église du monastère. Les voyages touristiques des papes ne datent pas d'aujourd'hui.

* * * * *

Guérin avait presque quatre-vingt dix ans lorsqu'il voulut revoir Aulps avant de mourir. Il s'y rendit à la fin de l'automne 1149 après s'être éclipsé à la sauvette pour ne pas subir les lamentations désolées de ses paroissiens de Sion, qui à juste titre, le jugeaient bien âgé pour entreprendre un tel voyage pendant la mauvaise saison. C'est à Aulps qu'il ressentit les premières atteintes de la maladie qui s'étaient traduites par une faiblesse générale et des malaises inattendus.
C'est pourquoi, après un séjour de quelques semaines à Aulps et avoir fait ses adieux à ses frères, il se remit en chemin pour revenir à Sion quelques jours avant Noël. Ses frères et les habitants lui firent le cortège que l'on imagine, d'autant plus que la santé de leur pasteur les avait profondément inquiétés.
Il ne devait pas aller bien loin. La mule qui le portait s'arrêta et s'abattit au bout d'un kilomètre, au quart de la montée du Theix. Elle laissa dans sa chute l'empreinte de son genou sur une roche. Ce n'est pas moi qui le dit, mais certaines mules ont une force miraculeuse surtout si elles portent un saint. Les cloches d'Aulps se mirent à sonner d'elles-mêmes, montrant ainsi la volonté de Dieu de voir son serviteur finir ses jours là où il avait été l'humble abbé d'autrefois. Guérin comprit où se trouvait son destin. Il rebroussa chemin. Le mal dont il souffrait s'étant brusquement aggravé, il s'alita et mourut à Aulps en odeur de sainteté le 6 janvier 1150.

* * * * *

Ceux qui l'ensevelirent constatèrent qu'il portait un cilice fermé par deux agrafes en fer qui avaient fini par creuser leur place sur son corps. Pour une raison que j'ignore, ces agrafes furent plus tard fondues et transformées sous la forme d'une clef. Mais de plus, on constata qu'il avait dormi depuis toujours avec une simple croix de métal usée par le contact incessant de sa peau. C'était un don de son ami Calixte II. On la garda comme relique.
Sa mort causa la désolation que l'on imagine auprès de ceux qui le considéraient déjà comme un saint de son vivant. On ne priait pas pour lui. On l'invoquait. Son tombeau fut l'origine de nombreux miracles et un pèlerinage continuel s'instaura presque aussitôt. Il rassemblait une telle foule qu'on dut construire un bâtiment particulier pour l'accueillir.
A l'endroit où il avait fait demi-tour, on érigea une croix, puis un oratoire renfermant sa statue. On ouvrit aussi un registre dans lequel étaient consignées les protections, les grâces et les guérisons qui lui étaient attribuées. Ce registre a disparu pendant la Révolution.

* * * * *

On inaugura son tombeau un 28 août, peu d'années après sa mort. Il se trouvait au milieu du transept, à l'extrémité de la grande nef. Le pèlerinage qui s'organisa aussitôt avait lieu le dimanche qui suivait cette même date. Les pèlerins pouvaient lire cette épitaphe en latin qui résumait sa vie et son œuvre :

“Ici repose l’évêque GUÉRIN, dont la sainteté a consacré la mémoire et que le Seigneur a glorifié avec ses saints. D’abord simple moine, puis abbé, enfin évêque de Sion. Dans chacun de ses états, il fut admirable par ses œuvres. Mort, il continua les merveilles qui ont rendu sa vie glorieuse. Il guérit les malades, redresse les boiteux, rend la vue aux aveugles, la parole aux muets, l'ouïe aux sourds. ô Guérin, sois notre libérateur, délivre-nous de nos vices. C'est la prière de ton petit troupeau des Alpes.”

La pierre sur laquelle la mule du saint avait laissé l'empreinte de son genou fut considérée aussi comme une relique. Les pèlerins en enlevaient un morceau l’un après l'autre, si bien que malgré sa taille respectable, elle disparaissait peu à peu sous forme de souvenirs. Vers 1850, un pèlerin plus pieux, mais certainement plus robuste que les autres, probablement les deux à la fois, arracha et emporta ce qui restait du rocher. C'est une forme d'exploit qui mérite l'admiration.
Saint Guérin fut vite considéré comme protecteur de gens et des animaux. La clef forgée avec les agrafes de son cilice possédait et possède toujours le don de guérir : “Que la clef de Saint-Guérin te touche et que Dieu te guérisse...”. Ce qui est quand même vrai et non moins étonnant, c'est que cette clef réussit bel et bien à guérir quelques épizooties dûment prouvées, constatées et enregistrées par des personnages parfaitement dignes de foi, même s'ils étaient tout d'abord des plus sceptiques. Chacun est libre de se faire une opinion.
Une statue de Saint-Guérin fut érigée plus tard à Thonon, au milieu du pont sur la Dranse. Elle fut abattue en 1536 par les Bernois. Une autre statue de Saint-Guérin existe encore à Beaufort en Tarentaise . Grandeur nature, le saint tient sa clef à la main droite.

La révolution ruina presque complètement les bâtiments de l'abbaye, qui servirent de carrière au début du dix-neuvième siècle. Seule reste la façade entière avec le portail à cinq voussures fort aiguës sur tailloirs carrés. En dehors de ces vestiges, il ne reste que les caves de tous les bâtiments conventuels.
Des âmes pieuses purent cependant mettre à l'abri les reliques de Saint-Guérin et de sa clef, si bien qu'il figure au nombre des rares bienheureux ayant échappé aux profanations. La nouvelle église, construite en 1883 avec contreforts et parements en marbre rose y garde le corps de Saint-Guérin dans une chasse en bronze doré. L'office de Saint-Guérin, dans le supplément du diocèse d'Annecy, fut enfin approuvé par le pape Pie IX le 1 septembre 1853, ce jour du premier septembre étant désormais celui de la fête de Saint-Guérin.
Non loin d'Aulps existe encore une chapelle près d'Arrèches, sous le vocable de Saint-Guérin du Grenier. Elle est située à 1945 mètres d'altitude, un peu au sud de Beaufort, à proximité du barrage de Saint-Guérin sur la rivière Pontcellamont, un sous-affluent de la rive gauche du Doron et à la cuvette dite également de Saint-Guérin. D'une hauteur de 70 mètres et large de 250 mètres, il constitue une réserve de 13 millions de mètres cubes et fait partie des projets d'aménagement du Roselend.
Il ne manquait qu'un détail, que la commune de Saint-Jean d'Aulps soit rebaptisée Saint-Guérin d'Aulps. Notre saint l'a amplement mérité. Ce serait assez naturel.

BIBLIOGRAPHIE: abbé Ruffin: “Vie de Saint-Guérin, abbé d’Aulps, évêque de Sion, son culte et ses reliques” (Annecy 1872) - R.P. Laurent Burgemer: “Helvetic. sancta” (1860 I.255-56 et 285-91) - Gallizia: “Santi di Savoia” 1750 IV p.141-147 -J.F. Gonthier: “Vie de Saint-Guérin, évêque de Sion” (Annecy 1896)-





FIN DE CHAPITRE



Date de création : 03/07/2007 @ 16:48
Dernière modification : 19/02/2013 @ 14:08
Catégorie : Histoire des Guérin
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Réaction n°1 

par gierre le 04/08/2008 @ 10:01

Quelle est la place de la "sulfureuse" abbaye de Filly dans tout cela? Les Rovorée et les Allinges y furent-ils associés?

Merci. Passionnant!


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