Galaxie Guerin

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10 - Les Guérin du Gévaudan (Histoire des Guérin)

(rédaction du 25.6.92)




10. CEUX DU GÉVAUDAN





Ceux du Gévaudan sont issus de la seigneurie de Chateauneuf-Randon, dont le chef, Guérin épousa Alix, héritière de la baronnie d'Apcher. Apcher porte «d’or au château à trois tourelles du mème, accolé de deux hachettes d’azur» Chateauneuf-Randon porte «d’or aux trois pals d’azur au chef cousu de gueules».


GUÉRIN LE BRUN DE CHATEAUNEUF-RANDON
Troubadour


Guérin le Brun est un poète du Languedoc. Sa famille avait fourni des consuls dès 1119 et avait sa demeure dans le cloître du Puy. Il vivait vers 1150 dans le Velay où il était co-seigneur de Chateauneuf-Randon .
Il était déjà célèbre sous Raimon V de Toulouse et s'était fait connaître par son oeuvre: «Meyzura o leijania» (Mesure et légèreté). Un manuscrit dit de lui: «Guérin le brun, gentil chatelain du Velai dans l’évêché du Puy Sainte Marie, qui fut bon trouveur et enseigna comment les femmes devaient se conduire. Il ne composa ni vers ni chansons, mais des tensons». Un tenson était alors un genre de poésie où intervenaient alternativement deux troubadours lors de chaque strophe. C'était donc un dialogue traitant de divers sujets. Son tenson le plus célèbre est «Les trésors» où il met en valeur l'astuce féminine. Ses deux autres oeuvres sont: «Du provoire manger les mores» et «Le chevalier».

Mais son ouvrage le plus important est sans nul doute son: «Enseignement pour les dames», un poème en langue provençale de 650 vers de chacun six syllabes où il se révèle un bon professeur de civisme autant qu'un excellent conseiller matrimonial. En effet, son Enseignement traite de tous les domaines de la vie d'une femme, dès «lo matin al levar» comme des qualités physiques, morales et sociales. D'ailleurs, dans un louable souci de bien se faire comprendre, il y accumule ses conseils et au besoin ne recule pas devant les redites.

La chronique dit qu'en 1151, il rendit hommage à l'évêque Adalbert III de Mende après avoir du rendre trois mas dont il s'était emparé aux dépens de l'hôpital de Mende.

BIBLIOGRAPHIE: Carl Appel: Revue des langues romanes 1889 T.33 p.404-432 - Cl.Bunel dans T.27 p.464 - T.2 p.620 - Méon T.1 p.95.99 et T4 p.393-426 - Gaston Joubert: p.180 - Pauphilet Pichard et Barroux: Fayard 1964 p.294 -


GUÉRIN D'APCHER
poète provençal


Guérin, «comtor d’Apcher» était apparenté avec notre précédent personnage. Il vivait dans la seconde moitié du douzième siècle. Le château d'Apchier est maintenant en ruines, mais il a donné son nom au bourg voisin de Saint-Chély d'Apcher.

C'était l'époque où l'évêque de Mende, Adalbert III de Tournel, était venu à Paris se reconnaître vassal de Louis VII en 1161. Ravi d'une telle démarche à laquelle il était loin de s'attendre, le roi avait en fait légitimé un pouvoir que l'évêque venait d'usurper dans tout le Gévaudan. Guérin d'Apcher se rangea contre cette politique, dont il aurait nécessairement fait les frais. C'est pourquoi il n'aimait pas les clercs: «porteurs de croix et sonnailles». et écrivit:

«Souvent mou guerra e assail
A cels que an croz e sonnails
Tart seres mais reis de Fransa»

Les manuscrits parlent de lui comme «valens et bons guerrers», mais aussi comme «bons trobaire e bels cavalliers». Il s'était fait connaître à la cour d'Adélaïde de Savoie et avait inventé un nouveau genre littéraire appelé «Descords» (discordia) dans lequel le troubadour peignait le désespoir d'un amant repoussé par sa belle et l'égarement psychologique causé par son chagrin. On y trouve de nobles accents du genre qui suit:

Quan foill' e flors reverdezis
et aug le chan del' rossignol

Cinq de ses poésies nous sont parvenues. Elles sont toutes adressées à son ami et jongleur du nom de Comunal. Cet homme vieux et laid faisait encore le galant à son âge, mais de plus chantait comme un pied, ce que son seigneur Guérin lui reprochait avec raison. On lui attribue également trois ou quatre «sirvientes» ou «coblas». La difficulté est que, dans cet échange de correspondance entre Guérin et un autre troubadour du nom de Torcafol, il soit malaisé de distinguer entre la plume de Torcafol contre Guérin et celle de Guérin contre Torcafol.

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Une gravure représente notre homme, casque en tête, l'épée à la main et tenant de l'autre un bouclier armorié «d’azur à la bordure et aux trois barres d’or, celle du milieu ondoyée» Ce ne sont pas exactement celles des Apcher du Gévaudan dont la barre du milieu n'est pas ondoyée.

BIBLIOGRAPHIE: Gaston Joubert: «Dictionnaire biographique de la Haute-Loire» 1982 p.180 - Pauphilet Pichaud et Barroux: «dictionnaire des lettes françaises» Fayard 1964 p.293 - Carl Appel: «poésies provençales tirées des manuscrits d’Italie» Revue des langues romanes 1890 p.12 - Jean de Notre-dame: «vie des plus célèbres et anciens poètes provençaux - T.3 p.97-98


ODILON GUÉRIN DE RANDON


Il était seigneur de Chateauneuf de Randon lorsque Louis VIII descendit en 1226 dans les terres du midi lors de sa campagne contre les Albigeois. Toute résistance ayant pratiquement cessé après la prise d'Avignon, les seigneurs du midi, cathares ou non, s'empressèrent de faire leur soumission à la couronne et au vieux Chancelier Guérin qui suivait l'expédition.
Tout un groupe de seigneurs excommuniés se réunirent à Aspiran pour faire serment de vassalité entre les mains de l'évêque de Béziers et se soumettre aux ordres du roi et du pape. Odilon Guérin se trouvait parmi eux. Ayant fait sa soumission, il se vit confirmer la possession de ses terres sous la mouvance directe de la couronne.

BIBLIOGRAPHIE: Gaston Guérin: «Guérin, chancelier de Philippe-Auguste» Auto édition 1990 p.155


GUÉRIN III D'APCHER
?-1252


Il s'agit plus précisément de Guérin III de Chateauneuf-Randon, seigneur d'Apcher, car il possédait les deux seigneuries . Les seigneurs d'Apcher disposaient d'un ensemble défensif constitué par les châteaux de La Garde , Arzenc , Le Bacon et Montaleyrac .

Son arrière-grand-père Henri d'Apcher avait participé à la première croisade. Il avait été député à Constantinople avec Hugues le Grand, père de Philippe I, roi de France pour lier des relations politiques toujours remises en question. C'est dire que son lignage n'avait pas peur des expéditions lointaines.



Notre personnage participa à la septième croisade du roi Saint-Louis. Parti d'Aigues-Mortes le 28 août 1248, il débarquait à Chypre le 17 septembre. Il a donc assisté à la réception des ambassadeurs mongols le 20 décembre. Celle ci provoqua l'envoi en retour d'une ambassade franque en Mongolie qui tourna court, les Mongols ne concevant de relations qu'avec des tributaires. Cela n'empêcha pas Saint-Louis d'envoyer le cordelier Guillaume de Rubrouck en une seconde ambassade, mais ceci est une autre histoire.
Embarqué le 30 mai 1249 à Limassol, Guérin d'Apcher débarqua et prit Damiette le 5 juin. Il participa à tous les combats jusqu'au désastre de la Mansourah le 6 avril 1250 où il fut capturé par les Égyptiens en même temps que le roi et les douze mille combattants de son armée.
Enfermé au Caire, il avait été le témoin involontaire du meurtre du sultan d’Égypte et du massacre par les Mameluks des prisonniers blessés ou malades. Il ne sera libéré que le 8 mai 1250, par le paiement d'une rançon collective que le roi avait prise d'autorité dans les caisses du Temple. Guérin a du revenir en Occident avec Charles d'Anjou et Alphonse de Poitiers à l'automne de la même année.

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De retour sur ses terres, il manifestera sa reconnaissance envers Celui qui lui avait permis de sortir vivant de pareilles épreuves. Il fera élever la chapelle Saint-Jean à proximité de son château. Bien qu'actuellement en mauvais état, elle a survécu aux déprédations du temps. Par contre, ses souffrances eurent raison du comte Guérin. Il est mort en 1252.
Sa fille Eléonore d'Apcher est l'aïeule du pape Grégoire XI . Son fils Guérin IV (? -1301) est connu pour ses fondations pieuses, et en particulier celle du Couvent des Cordeliers à Saint-Chély-d'Apcher


GUÉRIN VII D'APCHER
? - 1364


Froissard nous fournit deux mentions sur son père Guérin VI , capitaine du Gévaudan, qui avait épousé Philippine des Baux, en Provence. La première nous apprend qu’il commandait l’armée du pape Clement VI contre le duc de Milan. La seconde précise qu'il se trouvait avec son fils Guérin VII à la néfaste bataille de Poitiers le 19 septembre 1356.

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En mai 1361, le roi Jean le Bon, fraîchement rentré de captivité, nomma Guérin VII gouverneur général du Gévaudan et du Velay. Il devra lutter contre les Anglais qui dévastaient régulièrement le royaume.
La situation était d'autant plus grave que le 6 avril 1362, à Brignais près de Lyon, ces compagnies avaient écrasé l'armée royale qui n'avait pas encore compris la leçon de Poitiers. Puis, chargés de butin, ils s'étaient lancés sur l'Auvergne et le Languedoc et venaient de s'emparer de Saugues en 1363.
Pour s'opposer à leur avance, le comte Guérin envoya son fils Guérin VII qui parvint à libérer la ville et à les en déloger. Mais, rentrant du siège de Saugues, il les retrouva sous les murs de Saint-Chély d'Apcher qu'ils s'apprêtaient à assiéger.
Guérin VII se jeta sur leur flanc pendant que son père, à la tête des habitants de Saint-Chély et ayant levé des gens de pied sur ses terres, les attaquait de front sous le cri de «D’Apcher Notre Dame». Les Anglais furent pratiquement anéantis, mais Guérin VII, grièvement blessé, mourra deux ans plus tard.

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Une croix a été érigée à l'emplacement de cette victoire. Elle porte l'inscription suivante: «ici en 1363, les habitants de Saint-Chély anéantirent une armée anglaise». Elle se trouve sur le coté droit de la route à la sortie nord de la ville, mais sa taille réduite (elle n'a que 80 centimètres) fait qu'on passe à coté d'elle sans la voir.

Son père Guérin VI lui avait fait don des terres d’Apcher, de Saint Chély, de Saint Auban et de Montaleyrac à l'occasion de son mariage avec Marie de Beaufort, nièce et soeur des papes Clément VI et Grégoire XI. En 1374, peu de temps avant sa mort, Guérin VII vendra sa part de la baronnie de Chateauneuf-Randon et de Randonnet et ne portera plus que le titre de comte d’Apcher.


GUÉRIN VIII D’APCHER


Capitaine sénéchal du Rouergue, il prit part en 1389 à un arbitrage concernant les luttes entre Louis II d'Anjou, roi de Sicile, la reine-mère, le pape et Raimon Roger, comte de Beaufort et vicomte de Turenne, ce dernier s'étant soulevé en 1386 contre le pape. Il y rencontra son homonyme Hardouin Guérin de Fontaines qui recouvrira ainsi la liberté.
Le 10 juin 1391, la reine de Sicile lui octroyait mille livres pour services rendus à l'occasion de l'hommage qu'il rendit au nouveau duc Louis d'Anjou. Il avait épousé Blanche, dauphine d'Auvergne. Il est mort avant 1396.

BIBLIOGRAPHIE: «Dictionnaire des biographies françaises» T.3 p.98-99.


GUÉRIN IX D’APCHER
1376 - 1404


Guérin IX, qualifié de «très grand, magnifique et puissant baron», prit part aux guerres de Guyenne de 1385 à 1386. Il était maréchal du Rouergue en 1389, puis, le 17 décembre de la même année, châtelain des Baux de Provence pour le compte du pape Clément VII.
Le 13 juin 1396 et au nom du duc d'Armagnac, il donnait l'investiture du Charolais au duc de Bourgogne.

Une mention assez imprécise témoigne quand même que Guérin IX a suivi Boucicaut à Constantinople en 1399. Ce dernier, à la tête d'une flotte française avait mission de dégager la ville assiégée une fois de plus par les Turcs. Il libéra la ville, remit ses défenses en état, réconcilia le basileus Manuel II et son neveu Jean VII et emmena l'empereur en Occident pour projeter une croisade qui n'eut pas lieu.

Guérin testa le 5 avril 1400 avant de partir pour une expédition qui aurait du le conduire en Terre Sainte. Entre temps, Gênes s'étant donnée à la France en 1396, il y rejoignit Boucicaut et devint gouverneur de Gênes. On ne trouve ensuite plus mention de lui après le 24 avril 1404. Peut être est-il mort lors du soulèvement des Génois en 1409.

BIBLIOGRAPHIE: Bibli. Nat.«Dossiers bleus» vol.21 n.10 - Vieilleville: «Tres. géné.» n.31884. fol. 83 - Bouillet: «Nobiliaire d’Auvergne» TII p.38-40 - «Le livre des faicts du bon messire Jean le Maingre dit mareschal de Boucicaut» Ed. Michaud & Poujoulat - «Nouvelle collection des mémoires» TII, 1836.

On suit la famille d'Apcher jusqu'à la Révolution, mais entre-temps, leur usage de nommer Guérin leur aîné était tombé en désuétude. Le dernier membre de cette famille qui soit digne d’une remarque a orgnaisé des battues infructeueuses contre la célèbre «bête du Gévaudan»




FIN DE CHAPITRE